Le microbiote intestinal

On en parle beaucoup en ce moment… Mais de quoi s’agit-il ?

Des bactéries, champignons, virus, archées, levures, c’est-à-dire, des micro-organismes variés colonisent l’organisme dès la naissance, après contact avec le vagin de la mère et avec l’environnement extérieur, grâce à l’allaitement puis avec la diversification alimentaire. La diversité du microbiote augmente jusqu’à l’âge de 3 ans environ. Ce développement de micro-organismes prédisposera l’organisme. Les populations et les espèces évoluent ensuite avec l’âge et le mode de vie.

Ces dernières forment des écosystèmes différents selon qu’elles se trouvent au niveau de la bouche, de la peau, des poumons, du vagin, des intestins, du cerveau… Le corps possède en effet plus de bactéries que de cellules. Néanmoins, ce sont près de 100 000 milliards de micro-organismes de populations et fonctions différentes qui tapissent le tube digestif soit 1,5 kg dans l’intestin pour 2 kg de bactéries en tout dans le corps, ce qui fait du microbiote intestinal le plus important. En effet, différentes espèces peuplent l’intestin selon qu’elles sont dominantes, transitoires ou bien rares (de passage). Ce sont alors environ 160 genres de micro-organismes (hors virus) et entre 1000 et 2000 types d’espèces qui colonisent le tube digestif. Parmi eux, 60 à 80% sont des firmicutes et les reste des bacteroidetes. Ces micro-organismes sont interdépendants et jouent un rôle indispensable dans la santé de l’être humain notamment. Le microbiote est plus riche au niveau de l’iléon et du côlon. Il est difficile de définir le microbiote normal car ce sont 10 millions de gènes qui sont répertoriés et parmi toutes ces espèces seulement une dizaine d’espèces sont communes à tous les êtres humains.

Rôle du microbiote intestinal :

Non seulement ce microbiote est en interaction avec la paroi intestinale et plus globalement avec les bactéries de l’ensemble de l’organisme, les cellules et le mucus, mais il envoie aussi des neurotransmetteurs au cerveau par le nerf vague (la muqueuse intestinale étant composée de neurones). Le microbiote intestinal a une influence sur le cerveau car les terminaisons des neurones du nerf entérique et du nerf vague sont sous-jacentes aux cellules épithéliales intestinales et conduisent au cerveau. Il peut alors influer aussi bien sur la santé que sur le comportement. Il exerce en effet de nombreux rôles au sein de l’organisme.

Fonctions métaboliques

Il agit d’abord au niveau du tube digestif en fermentant les déchets alimentaires non digérés comme la cellulose, le lactose ou l’amidon. Après ces dégradations, ces composés peuvent aller dans le sang après avoir passé la barrière intestinale. Il intervient aussi en absorbant les ions, en métabolisant les xénobiotiques, en synthétisant des vitamines telles que les vitamines B et K, en freinant le développement des levures, en dégradant les pigments biliaires et en produisant finalement de l’énergie utilisable par l’hôte. D’après une étude israélienne, la composition du microbiote intestinal jouerait un rôle dans le maintien de la glycémie à des valeurs normales. Il aurait aussi un rôle dans l’obésité.

            Fonction de protection

Les micro-organismes entrent en compétition avec les pathogènes et notamment la nourriture pour se fixer sur le mucus, influent sur la structure des entérocytes et des cellules du côlon et produisent des facteurs anti-microbiens comme les bactériocines.

            Fonction de barrière

Il se comporte de plus comme une barrière en luttant contre les bactéries pathogènes, en produisant des molécules antimicrobiennes contre des germes pathogènes, en stimulant la production de mucus afin de protéger les cellules intestinales, en induisant la production d’immunoglobulines A.

            Fonction immune

Les micro-organismes du microbiote ont alors des échanges avec les cellules immunitaires telles que les cellules dendritiques ou les cellules de Paneth présentes dans la barrière intestinale. Ils peuvent aussi stimuler le système immunitaire en activant et en ayant une action de maturation sur les cellules du microbiote permettant ainsi la protection contre les agressions externes. Cette fonction est cependant réciproque puisque le système inflammatoire semble avoir une influence sur la diversité des micro-organismes du microbiote intestinal. Il est alors important de préciser que le microbiote est en première ligne lors d’ingestion de xénobiotiques comme les médicaments et autres substances (qu’il peut commencer à métaboliser) pouvant être délétères pour l’écologie intestinale. Il protégerait des allergies alimentaires et influerait sur la réponse du patient à une immunothérapie ou une chimiothérapie.

L’ensemble de l’organisme vit alors en symbiose avec le microbiote intestinal qui doit en outre être à considérer comme un organe à part entière étant donné qu’il est capable de communiquer par les voies endocrinienne, sanguine, nerveuse et immunitaire. Il a un impact important sur la santé globale des êtres humains. Il interagit en effet avec la plupart des organes et ces échanges effectués contribuent à l’homéodynamie (équilibre).

Risque de dysbiose

En plus d’évoluer au cours de notre vie, le microbiote est capable de s’adapter à notre environnement mais il peut néanmoins être modulé voire subir des déséquilibres, c’est-à-dire, des dysbioses par notre alimentation et notre hygiène de vie globale. La diarrhée provoquée par des antibiotiques est la première pathologie humaine qui peut être associée à une rupture de l’homéodynamie et à une dysbiose. La naissance par césarienne et/ou l’absence d’allaitement après la naissance, une vie aseptisée, une alimentation non adaptée (moins riche en fibres, riche en viande rouge, industrielle avec des sucres raffinés, trop de graisses saturées, des additifs et autres molécules délétères, mais aussi cuisson des aliments non adaptée et présence de produits phytosanitaires), le stress chronique (cause et conséquence), l’augmentation du pH, la prise de médicaments (notamment d’antibiotiques), la consommation de glutens, de lactose (pour certaines personnes) et d’alcool, une constipation chronique, les maladies ou infections…, c’est-à-dire, tout ce qui peut conduire à l’inflammation sont autant de facteurs pouvant conduire à une muqueuse intestinale inflammée. Ainsi, une hyper-perméabilité intestinale à long terme (avec passage de molécules non désirées dans la barrière intestinale provoquant une inflammation de la muqueuse intestinale) et une surproduction de bactéries par rapport à d’autres peuvent entre autres être induites, laissant les micro-organismes potentiellement pathogènes s’installer et conduire ainsi à une dysbiose. Cette dernière a un impact au niveau local se caractérisant par la maladie de Crohn par exemple mais aussi sur l’ensemble de l’organisme tels que des problèmes de candidose, l’induction de maladies auto-immunes (se caractérisant notamment par des problèmes cutanés tels que le psoriasis), des problèmes cardiaques, respiratoires et ORL, osseux et articulaires, urinaire et génital, mais également sur le système nerveux et cérébral (autisme et autres maladies neurologiques). La dysbiose peut aussi être responsable de malabsorption de carences en vitamines D, B9, B12. Un surdéveloppement et une prolifération de bactéries dans l’intestin grêle (SIBO) ou la formation de biofilms dans les cas les plus sévères peuvent apparaître. Le SIBO est plus fréquent lors de fermentations coliques (dont les gaz en sont des signes), est en lien avec les maladies auto-immunes et est à l’origine d’un système immunitaire déséquilibré. Des conséquences sur la personne seront un risque accru d’allergies, de mauvais recyclage de la bile et des sels biliaires, d’une mauvaise digestion et d’une diarrhée ou d’une constipation (qui peuvent aussi en être la cause). Les biofilms quant à eux (pouvant se trouver tout le long du tube digestif) sont à l’origine d’une production de toxines par le biais des lipo-polysaccharides pouvant être délétères pour l’hôte. Il est souvent difficile de détruire ce biofilm qui peut d’ailleurs se répandre ailleurs que dans les intestins si des modifications d’hygiène de vie ne sont pas effectuées. De plus, si le mucus intestinal est de mauvaise qualité alors les mauvaises bactéries auront tendance à s’y accrocher contrairement aux bonnes, les rendant prédominantes. Il a été relevé le fait qu’un déséquilibre du microbiote intestinal pouvait avoir un impact sur les autres populations de micro-organismes de l’organisme (bouche, peau, poumons…).

Comment agir sur le microbiote intestinal ?

Il est important de faire attention à son hygiène de vie tout au long de sa vie. Agir d’abord sur l’alimentation est primordial afin de maintenir un microbiote équilibré ou bien de reproduire cet équilibre (afin de prévenir ou traiter certaines pathologies citées dans le paragraphe précédent) : ce qui est consommé par l’hôte et non digéré (graisses, protéines, polysaccharides) est partiellement dégradé par les bactéries du microbiote.

Les prébiotiques

L’alimentation doit alors être riche en prébiotiques, c’est-à-dire, en fibres non digestibles telles que les fibres solubles provenant de fruits (bananes, pommes), de légumes (endives, topinambours, poireau, asperges), des céréales complètes (orge, avoine), mais aussi des produits de la ruche, de l’aloé véra, de l’acacia, des oignons, de l’ail, des graines de lin, de la chicorée, des algues… Ils permettent notamment de nourrir les microbiotes dominant et sous-dominant afin de stimuler la croissance et/ou l’activité du côlon et améliorer la santé de l’hôte. Les polyphénols (présents les pommes, les tomates, le persil, les oranges, le curcuma…) qui sont des antioxydants et des piégeurs d’espèces réactives de l’oxygène, protègent le microbiote intestinal. En plus de ces sources exogènes, des prébiotiques endogènes existent aussi tels que les cellules desquamées, le mucus, les sécrétions pancréatiques… Les fibres peuvent de même être synthétisées.

            Les probiotiques

Les probiotiques quant à eux sont des micro-organismes vivants qui sont utilisés comme supplémentaires et qui exercent un effet bénéfique sur l’hôte en améliorant l’équilibre du microbiote intestinal, de réparer et fortifier la muqueuse intestinale, de réduire les molécules pro-inflammatoires, de produire des acides gras à chaîne courte et d’augmenter le taux de facteur neurotrophique dérivé du cerveau. Ils ont pour caractéristiques de maintenir l’équilibre du microbiote intestinal. En plus d’être apportés par complémentation, ils sont en premier lieu présents dans l’alimentation comme dans les produits lacto-fermentés (légumes, kéfir, kombucha…), les yaourts, les fromages… La souche Saccharomyces boulardii et les bactéries lactiques telles que les Bifidobactéries (Bifidobacterium Longum, Bifidobacterium Lactis), la Propionibacterium Freudenreichii et les Lactobacilles (Lactobacillus Plantarum, Lactobacillus Acidophilus, Lactobacillus Brevis) sont celles que l’on retrouve le plus fréquemment. Ils permettent en outre de nourrir particulièrement la flore de passage.

Afin de favoriser et de bénéficier des effets synergiques des pré et probiotiques et de prendre soin des trois types de flore, des produits combinant ces deux produits existent tels que les olives, la tapenade… mais des compléments symbiotiques ont été mis au point.

Les complémentations doivent s’effectuer en dehors des repas et une eau de source pour une meilleure absorption et une meilleure efficience. La prise de probiotiques en compléments pourrait être intéressante pour les personnes souffrant de rhinite allergique, de cancers (pour mieux répondre à la chimiothérapie et à l’immunothérapie). Même si les probiotiques en compléments alimentaires sont vantés par les industries agro-alimentaires pour soigner les troubles digestifs et autres pathologies, très peu d’études sont effectuées ou celles-ci sont peu probantes. De plus, il convient d’étudier l’interaction des bactéries sélectionnées entre elles et non séparément puisque celles-ci sont inter-dépendantes. Des recherches sont faites sur des micro-organismes afin d’élaborer des probiotiques. Ainsi, des études sont actuellement effectuées sur le rôle anti-inflammatoire de la bactérie Faecalibacterium prausnitzii (la plus abondante du microbiote intestinal) chez des patients atteints de maladie inflammatoire intestinale chronique. Certaines archées sont aussi étudiées comme c’est le cas d’archées métanogènes qui auraient des effets bénéfiques sur l’athérosclérose dont un facteur de risques est l’oxyde de triméthylamine. Il ne s’agit pas non plus de conseiller à une personne de prendre simplement un probiotique si elle souffre de dysbiose mais de l’associer à une hygiène de vie appropriée et adaptée à la personne. Adapter son alimentation et son hygiène de vie globale est d’abord une priorité avant toute prise de probiotiques issus de laboratoires.

Une technique médicale d’avenir

Une autre méthode pour ramener l’homéodynamie est la transplantation fécale dans laquelle il s’agit d’introduire dans le tube digestif d’une personne malade des selles provenant d’une personne saine pour rééquilibrer les bonnes et mauvaises bactéries. Elle pourrait présenter des intérêts chez les personnes atteintes d’autisme, de schizophrénie. Cette technique pourrait aussi être reconnue et utilisée chez les personnes souffrant de colite (ou d’autres infections intestinales) et notamment celles à Clostridium difficile.

Et un travail de terrain

Afin de restaurer l’homéodynamie de la muqueuse, il est important de commencer par agir sur les biofilms qui peuvent s’être formés à long terme. Ceci peut être effectué par un travail de terrain et l’utilisation de cellulases issues de compléments ou d’huiles essentielles composées notamment de polyphénols telles que l’origan ou la sarriette dont le principe actif est le carvacrol. Il convient ensuite de réparer la barrière intestinale et de restaurer le microbiote en modifiant son hygiène de vie et son alimentation. Il est aussi important de voir un naturopathe pour faire ce travail étape par étape.

Conclusion

Pour avoir un bon équilibre du microbiote intestinal il est important de limiter l’utilisation d’antibiotiques (en excès) ainsi que la consommation d’alcool, de tabac et d’aliments industriels et de se libérer du stress chronique. Il est alors essentiel d’avoir une alimentation riche en fibres et végétaux crus, de consommer des produits lacto-fermentés et des acides gras insaturés notamment oméga-3, de gérer son stress et d’améliorer la qualité de son sommeil, de passer du temps dans la nature et d’avoir une activité physique adaptée.

Sources

Cours de naturopathie de l’Académie de Vitalopathie de Dijon dispensés par Gilles Delanoë

https://www.biocodexmicrobiotainstitute.com/intestinal

La Recherche, La révolution microbiote, numéro 532 février 2018